C’est une vidéo qui ne vous laissera pas insensible. Depuis un an, plusieurs handicapés lourds de la résidence des Chants d’Eole à Dinan, dans les Côtes-d’Armor, surfent sur leur handicap en s’amusant tous les quinze jours avec les vagues de la Manche. Retour sur cette incroyable initiative en compagnie de Yoann Le Magadou, l’éducateur spécialisé à l’origine de ce projet et Morgan Menez responsable de surf Harmony à Saint-Briac.

 Film réalisé, et édité par Jérémie Eloy,

Red Epic

Caissson SPL Waterproof

Canon C100

Diffusé dans l'édition du soir de Ouest France : visible ici

 

Yoann Le Magadou, comment est née cette initiative de proposer des sessions de surf à des personnes lourdement handicapées ?

En tant qu’éducateur spécialisé, j’ai le sentiment qu’on peut difficilement aller au delà en termes de recours thérapeutiques et médicamenteux avec des handicapés lourds, tels que ceux que nous accueillons dans notre résidence des Chants d’Eole à Dinan. Du coup, l’une des dernières cordes pertinentes qui restent à notre arc, ce sont les activités. Et notamment, les activités en plein air ! Car cela répond bien à la contrainte d’enfermement qu’ils vivent au quotidien.

Mais de là à choisir le surf, il fallait oser…

Je suis surfeur moi-même et ami de longue date avec Morgan Menez, le professeur de surf. Ce n’est vraiment pas un prof comme les autres. Il est également sophrologue et dispose d’une approche axée sur le bien-être thérapeutique. Je ne me serais pas lancé dans une telle activité avec n’importe qui.

Cela réclame une vigilance de tous les instants ?

Nous travaillons vraiment avec des handicapés lourds. Il y a des déficients intellectuels, certains souffrent de troubles psychiques lourds, d’autres sont autistes. C’est un accompagnement 24 heures sur 24 ! Dans l’eau, chaque résident est d’ailleurs accompagné par une personne en particulier. Aucun d’entre eux ne sait nager. Il suffirait de dix secondes d’inattention pour qu’une planche ne se retourne.

À quand remontent les premières sessions de surf ?

On a initié le projet à la fin de l’été 2014. À raison d’une séance tous les quinze jours de septembre à octobre, puis d’avril à juin. C’est la deuxième année du projet. Et cela commence vraiment à prendre. Il a fallu du temps pour dompter les peurs, créer une relation de confiance. Enfiler une combinaison, c’était déjà une performance en soi pour certains. D’autres avaient peur de l’eau. C’est une aventure qui s’est construite pas à pas. Mais on a vraiment franchi un cap en septembre dernier. Yannick, l’homme qui porte des lunettes de soleil dans la vidéo, n’osait même pas mettre les pieds dans l’eau, il y a encore quelques mois ! Quant à Michel, qui est un peu la star de cette vidéo, il a fait des progrès incroyables en termes d’attention, de concentration et d’estime de lui.

Cela veut dire que cela fonctionne…

En tout cas, il y a des leviers de leurs personnalités qui ont été levés grâce à cette nouvelle activité. Aujourd’hui, ils sont hyper contents d’y aller. Ils en parlent avant, mais aussi après. Pour aller un peu plus loin, on leur a même acheté à tous une combinaison cette année. Elle est accrochée dans leur chambre et incarne cette activité. Eux qui manquent de repères spatio-temporels, ça les tient vraiment. Michel quand il voit quelqu’un il lui montre sa combinaison et lui dit : « Tu sais, moi, je suis un surfeur ! »

Morgan Ménez, professeur de surf. « On avance pas à pas en fonction de leur humeur, leur envie et de… la mer. Il y a d’abord une phase d’approche. On prend le temps d’emmener le matériel sur la plage. Puis une fois que l’on est dans l’eau, on met l’accent sur le côté ludique. On est à l’écoute des sourires. On a pris le parti de jouer avec ça en essayant également de les emmener vers une phase de relaxation, même lorsqu’ils sont allongés sur la planche. Après les séances, on s’efforce de débriefer tout cela sur la plage. Cela relève parfois plus de l’ordre des regards, des sourires. Mais ce sont des moments importants. »